Actualité Al-Qods

FATOU THIAM Mme DIALLO : LE STATUT JURIDIQUE D’AL QODS

 

Entre le tintamarre de la Palestine et le dédain de l’Israël, la Ville sainte d’Al Qods (Jérusalem) se trouve coincée dans un amalgame sans équivoque . D’autant elle représente les trois croyances religieuses mais elle est aussi enduite d’une histoire cryptée par plusieurs évènement. Elle fait l’objet de plusieurs revendications si bien qu’il est judicieux de s’interroger sur son statut juridique.

  • Le statut d’Al Qods dans le plan de partage de 1947

Dans le Plan de Partage de la Palestine de 1947, la Ville sainte d’AlQods(Jérusalem) est considérée comme un Corpus separatum (un corps séparé) qui doit être placée sous régime international. La ville sainte jouit ainsi d’un statut spécial visant à «préserver les intérêts spirituels et religieux sans pareils qu’abrite la Ville des trois grandes croyances monothéistes (christianisme, judaïsme et islam)». Le plan de partage envisageait en effet, la création d’un secteur de Jérusalem démilitarisé constituant une entité distincte sous l’égide du Conseil de tutelle des Nations Unies, qui devait élaborer un statut pour Jérusalem et désigner un gouverneur. Une assemblée devait être élue au suffrage universel par la population adulte, et ce statut devait rester en vigueur 10 ans, puis être dûment examiné par le Conseil de tutelle, la participation des citoyens étant assurée par une consultation par référendum.
Les hostilités qui ont suivi ont empêché l’application de la résolution. En effet, suite à la proclamation de l’Etat d’Israël, ce statut est ignoré par le nouvel Etat.

  • Les conséquences de l’occupation d’Al Qods-Est en 1967

En 1967, à la suite de la guerre des Six Jours, Israël contrôle l’ensemble de Jérusalem. Dès lors, l’accès à l’Esplanade des Mosquées est régulièrement rendu difficile aux musulmans, dans les moments de tension. Dans sa résolution n°242 du 22 novembre 1967, le Conseil de sécurité de l’ONU :

  • «Affirme que l’acquisition de territoire par la conquête militaire est inadmissible»;
  • «Censuredans les termes les plus énergiques toutes les mesures prises pour modifier le statut de la ville de Jérusalem» ;
  • «Considèreque toutes les mesures prises par Israël pour modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle ou le statut des territoires palestiniens ou autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem, ou de toute partie de ceux-ci n’ont aucune valeur en droit».

Toutes ces résolutions, souvent unanimes, ne trouveront aucun écho auprès de l’occupant israélien. 
Pour sa part, l’Assemblée générale des Nations Unies affirmera les mêmes positions que le Conseil de Sécurité.

  • La proclamation d’Al Qods comme capitale d’Israël

En 1980, poursuivant la politique israélienne défiant la légalité internationale, la Knesset (Parlement de l’Etat d’ Israël siégeant à Jérusalem) adopte le 30 juillet, la «loi fondamentale» sur Jérusalem. Elle proclame que «Jérusalem, entière et unifiée, est la capitale d’Israël».

Avant même l’adoption formelle de ladite loi, et réagissant à la perspective de son adoption, le Conseil de sécurité de l’ONU adopta sa résolution n° 476 du 30 juin 1980, par 14 voix contre 0 avec une abstention (Etats-Unis). C’est ainsi que la résolution:

«Réaffirmant que l’acquisition de territoire par la force est inadmissible.

«Gardant présents à l’esprit le statut particulier de Jérusalem et, spécialement, la nécessité de protéger et de préserver la dimension spirituelle et religieuse unique des Lieux saints de cette ville.

«Déplorant qu’Israël persiste à modifier le caractère physique, la composition démographique, la structure institutionnelle et le statut de la Ville sainte de Jérusalem.

«Gravement préoccupé par les mesures législatives entamées par la Knesset israélienne en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem :

  • Réaffirmela nécessité impérieuse de mettre fin à l’occupation prolongée des territoires arabes occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem ;
  • Confirme à nouveau que toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël, en vue de modifier le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem n’ont aucune validité en droit et constituent une violation flagrante des Conventions de Genève relatives à la protection des personnes civiles en temps de guerre et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient;
  • Réaffirmeque toutes les mesures qui ont modifié le caractère géographique, démographique et historique et le statut de la Ville sainte de Jérusalem sont nulles et non avenues et doivent être rapportées en application des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité;
  • Demande instammentà Israël, la Puissance occupante, de se conformer à la présente résolution et aux résolutions précédentes du Conseil de sécurité et de cesser immédiatement de poursuivre la mise en œuvre de la politique et des mesures affectant le caractère et le statut de la Ville sainte de Jérusalem».

Ignorant cette résolution, Israël n’a pas suspendu l’adoption par la Knesset de la «loi fondamentale» sur Jérusalem. De nouveau, le Conseil de sécurité réagira fermement à cette décision. Reprenant pratiquement les termes de sa précédente résolution (1980), le Conseil adopta la résolution n° 478 du 20 août 1980, toujours par 14 voix contre 0 avec une abstention (Etats-Unis). En vertu de cette résolution, le Conseil :

« Censure dans les termes les plus énergiques l’adoption par Israël de la ‘’loi fondamentale’’ sur Jérusalem et son refus de se conformer aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité ;

« Affirme que l’adoption de la ‘’loi fondamentale’’ sur Jérusalem constitue une violation du droit international et n’affecte pas le maintien en application de la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, dans les territoires palestiniens et autres territoires arabes occupés depuis 1967, y compris Jérusalem ;

« Décide de ne pas reconnaître la ‘’loi fondamentale’’ et les autres actions d’Israël qui, du fait de cette loi, cherchent à modifier le caractère et le statut de Jérusalem et demande:

  1. a) A tous les Etats membres d’accepter cette décision
  2. b) Aux Etats qui ont établi des missions diplomatiques à Jérusalem de retirer ces missions de la Ville sainte».

Pas plus que la résolution n° 476 (1980), la résolution n°478 (1980) n’a pas été également appliquée par Israël.

Il ressort des deux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité quant au caractère et au statut de Jérusalem, que cette ville, indépendamment de son histoire et de sa symbolique religieuse est, d’un point de vue strictement juridique, un territoire occupé et que le régime juridique auquel elle devrait être soumise est celui prévu par la IVème Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949.

Alors que la communauté internationale et, en particulier, le Conseil de sécurité continuaient à suivre avec inquiétude l’évolution de la situation en ce qui concerne la question de Palestine, le Conseil a pris une mesure importante en adoptant, le 12 octobre 1990, sa résolution 672, à la suite des actes de violence commis par les forces de sécurité israéliennes à la mosquée Al-Aqsa. Le Conseil, après avoir condamné tout particulièrement les actes de violence commis par les forces de sécurité israéliennes, qui avaient fait des morts et des blessés, a engagé Israël à «s’acquitter scrupuleusement des obligations juridiques et des responsabilités lui incombant en vertu de la quatrième Convention de Genève relative à la protection de la population civile en temps de guerre, en date du 12 août 1949, qui est applicable à tous les territoires occupés par Israël depuis 1967» .

Pour sa part, la Cour internationale de Justice (CIJ) a, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 sur les Conséquences juridiques de 1’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, affirmé clairement que:

«Selon le droit international coutumier, un territoire est considéré comme occupé lorsqu’il se trouve placé de fait sous l’autorité de l’armée ennemie. Les territoires situés entre la Ligne verte et l’ancienne frontière orientale de la Palestine sous mandat ont été occupés par Israël en 1967 au cours du conflit armé ayant opposé Israël à la Jordanie. Selon le droit international coutumier, il s’agissait donc de territoires occupés dans lesquels Israël avait la qualité de puissance occupante. Les événements survenus depuis lors dans ces territoires n’ont rien changé à cette situation. L’ensemble de ces territoires (y compris Jérusalem-Est) demeurent des territoires occupés et Israël y a conservé la qualité de puissance occupante».

En plus des nombreuses résolutions du Conseil de Sécurité et de l’Assemblée Générale de l’ONU citées ci-dessus, il y a lieu de mentionner que des instruments juridiques conventionnels liant Israël à la Jordanie ou à l’Organisation de libération de la Palestine reconnaissent ce même statut à la Ville sainte.

A la lumière de tous ces instruments internationaux et du droit international général (coutumier), il est très clair que la Ville sainte de Jérusalem est considérée à ce jour comme un territoire occupé et qu’Israël n’a de compétences juridiques sur cette ville que celles qui sont attachées à sa qualité de puissance occupante. La proclamation de Jérusalem comme capitale de l’Etat n’est pas opposable à la communauté internationale dans son ensemble. Elle a été explicitement et constamment déclarée comme étant non conforme au droit international et considérée comme nulle et non avenu. Il s’agit d’un fait internationalement illicite. La présence d’institutions politiques israélienne dans cette ville ne change rien à cette qualification juridique et au statut juridique d’occupation réalisée suite à une conquête armée qualifiée d’inadmissible». Le seul cadre juridique international applicable à la Ville sainte est celui de la IV ème Convention de Genève.